Pourquoi la qualité finale d’une vidéo 360 est décevante ?

Je réalise mes vidéos avec deux caméras GoPro Hero 8. Oui, ce sont loin d’être les plus récentes, mais elles suffisent bien pour ce que j’en fais. La stabilisation est hyper efficace, le rendu des couleurs est… flashy mais acceptable et les images sont relativement bien piquées pour ce type de caméras.

Récemment j’ai pourtant acquis une caméra d’un tout autre type : l’Insta360 One X3. Une caméra qui, grâce à deux objectifs devant et derrière, filme tout, absolument tout, ce qu’il y a autour d’elle. A 360 degrés, d’ou le nom. Le principal avantage étant que cela permet en post-production de choisir quel cadrage final on veut utiliser, voire même de jouer avec celui-ci au sein d’un même clip. Cela ouvre également le champ des possibles pour des cadrages et effets spéciaux assez saisissants, sur lesquels la promotion de la caméra est d’ailleurs centrée. Ces derniers ne m’intéressent guère.

Cependant, bien que sur le papier pouvoir choisir son cadrage à postériori semble une avancé majeure, cela vient avec un certain prix à payer. Et je ne parle absolument pas du prix plutôt élevé de l’appareil. Mais bien d’un prix en terme de netteté, de piqué sur l’image finale.

Beaucoup sont surpris que l’image finale manque de netteté, les détails fins sont souvent perdus. Cela ne pose aucun souci sur une scène d’action rapide et courte, mais devient vite très visible sur des séquences plus longues et/ou moins rapides.

Pourquoi cela arrive-t-il ? Est-ce que l’on peut améliorer la chose ? Explications.

Comment marche une caméra 360 ?

Le principe de fonctionnement d’une caméra 360 (grand public) est assez simple : on enregistre grâce à deux caméras exactement opposées et munies d’objectifs dits « fish-eye » ce qui se passe devant, et derrière la caméra. Les objectifs permettent, au prix d’importantes déformations optiques, de capter à 180 degrés en haut, en bas, à droite et à gauche ce qui se passe devant chaque objectif. Grâce à d’astucieux algorithmes on peut recoller ces deux morceaux et permettre de regarder dans n’importe quelle direction.

Voici la vidéo brute enregistrée par une insta360. Que ce soit une ONE R, une ONE X ou même la ONE GO, toutes utilisent ce principe de lentille sphérique pour capter une version très déformée de l’image à 180 degrés sur un (pour la ONE GO) ou deux cotés. Ici on retrouve l’image captée le capteur avant de la caméra à gauche, et l’image captée de l’autre coté à droite.

Pour rendre les choses plus claires j’ai mis les deux demi-sphères sur une même image, mais en réalité la caméra produit un fichier par optique. Ce sont des fichiers MPEG 4 tout à fait standard, il suffit de changer l’extension « .insv » en « .mp4 » pour s’en apercevoir.

Pourquoi la qualité ne peut pas être exceptionnelle

Chaque image ainsi captée mesure 2880 pixels de cotés, totalisant donc 5760×2880 pixels enregistrés. 5.7K, comme l’annonce fièrement le constructeur. C’est vrai mais…

Quand on procède au recadrage, pour choisir l’angle de la prise de vue finale (au format 16:9 généralement, ou 9:16 si l’on fait du vertical), on ne va utiliser qu’une petite portion de l’image enregistrée à l’origine. Sur cet exemple, on comprend assez bien que tout ce qui a été enregistré par l’optique faisant face à mon (très classe) maillot fox ne sera pas d’une grande utilité. Ni la vue plongeante sur mes jambes, ou la merveilleuse contre-plongée sur mon menton. Le tracé en pointillés rouges essaie d’aproximer la zone qui pourrait être ciblée afin de produire l’image finale ci dessous.

Alors ces caméras 360 ont beau afficher une résolution de 5.7K , plus de la moitié est littéralement perdue lors du recadrage. Même pour sortir une image recadrée en HD, il n’y a pas assez de données dans la zone visée, chaque pixel capté doit être étiré sur plusieurs pixels finaux. Et c’est d’autant moins probant que l’on s’approche des bords des « cercles », puisque peu de pixels sont disponibles sur les derniers degrés extérieur.

Ne parlons pas d’un recadrage en 4K, gros lol !

Même en jouant sur la largeur de la zone recadrée, le problème persistera (jamais on n’ira utiliser les donnes de mon maillot dans cet exemple, qui sont donc bel et bien « perdus »).

Facteurs agravants…

On peut ajouter à cela que la plupart du temps, les vidéos subissent deux encodages (destructifs) ce qui n’améliore pas la donne mais n’est pas la cause réelle du problème. Il faudrait que la résolution enregistrée ne soit non pas de 5.7K, mais de 20K, voire davantage ! Cela arrivera peut être, mais pour l’heure toutes les caméras grand public de la marque restent en 5.7K, et sont donc confrontées à cette limitation.

Vient enfin la stabilisation FlowState : celle-ci n’est pas faite sur la caméra avant que les images ne soient enregistrées, comme c’est le cas sur une GoPro, mais à postériori. Il ne s’agit donc rien de rien de plus qu’une stabilisation logicielle (bonifié grâce à la présence de données gyroscopiques de la caméra mais ça n’en change pas le principe). Quiconque a déjà appliqué un tel correctif dans un logiciel de montage sait que cela dégrade vite les images. Au contraire de l’algorithme de la GoPro qui est fait avant d’enregistrer l’image dans le flux vidéo, et ce en utilisant plus de capteur que ne nécessite l’image ce qui permet évidemment une meilleure finesse dans l’image stabilisée.

C’est pour cette raison qu’on nous en fait la promotion avec des clips ultra rapides, en super grand-angle et super courts : quand ça bouge vite, le cerveau n’a pas le temps de s’attarder aux détails. On ne garde que la sensation que « cette caméra permet des prises de vues incroyables ». Ce qui est vrai. Mais trompeur pour qui n’a pas conscience des limitations inhérentes au processus !

Comparaison Gopro vs Insta360 One X3

Voici afin de comparer le rendu d’une GoPro HERO 8 (à gauche), et celui de l’insta 360 One X3 (à droite). Les couleurs sont un peu différentes mais ce n’est pas ce qui nous préoccupe ici : regardrez plutôt (sur les images en plein écran, c’est plus visible) le niveau de détail des traces sur le chemin, les branchages, les brins d’herbe et petites fleurs clairement visibles, alors que tout n’est que bouillie sur le rendu Insta360.

Les deux sont acceptables si le paysage défile vite, mais quand ça ralentit et qu’on commence à avoir le temps de voir ces détails, seule la version GoPro est pertinente.

Alors, One X3 : bonne à jeter ?

Pour nuancer un peu, je ne dis en aucun cas que ces caméras sont nulles ou inutiles. Mais il faut bien comprendre ce qu’elles permettent de faire (des effets de prise de vue complètement fous), et le prix à payer pour l’obtenir (une image moins propre). A mon sens ce sont des outils intéressants, mais uniquement pour diversifier et dynamiser ses prises de vues. Tout comme peut l’être un drone, par exemple.

Je reconnais que je suis tout de même un peu déçue au final, je pensais vraiment qu’ils avaient amélioré la chose depuis la ONE R que j’avais achetée il y a quelques années (puis revendue sans jamais m’en être réellement servie, pour les raisons décrites ici).

A voir donc si et comment je vais intégrer cette caméra pour certains cadrages particuliers, notamment en VTT. Mais ça fait un « truc en plus » à transporter, et ça ne simplifie pas le montage…

En tous cas, maintenant vous savez pourquoi une caméra 360 n’est pas un remplacement d’une caméra classique, mais plutôt un complément pour des utilisations assez particulières.

TAGS

Comments are closed